Article rédigé par Marie Huré pour la Fondation Terre Solidaire
Les forêts du monde entier, de la France à l'Amazonie, jouent un rôle fondamental dans l’équilibre écologique de notre planète. Ce sont de formidables réserves de biodiversité, qui contribuent à la régulation du climat, fournissent des matières premières essentielles et sont au coeur du cycle de l’eau, source de toute vie sur Terre.
Plus de la moitié des espèces animales et végétales vivent dans les forêts du monde entier. À l’heure actuelle, les forêts recouvrent un peu plus de 30% des surfaces émergées du globe. La proportion est la même en France. Selon un rapport de 2022 publié par l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture, seulement 34% des forêts sont des forêts primaires, où l’Homme n’est jamais intervenu. Elles sont situées principalement au Canada, au Brésil et en Russie. À contrario, 7% de la superficie forestière est issue de plantation humaine.
Les forêts : réservoirs de biodiversité et régulateurs climatiques essentiels
Les forêts, tout comme les océans, sont une composante essentielle du cycle du carbone, par lequel la quantité de CO2 présente sur Terre est gérée naturellement. Le CO2 est produit par plusieurs sources avant d’être absorbé par les puits de carbone que sont les forêts, notamment grâce à la photosynthèse, et les océans. Les sols en absorbent aussi une certaine quantité. Cela permet d’équilibrer le système climatique. Or l’Homme, de par ses activités et notamment la combustion des énergies fossiles, vient perturber ce cycle en entravant le fonctionnement et en émettant des quantités de CO2 trop importantes.
Par exemple, en 2022 les puits de carbone terrestres ont absorbé environ 10 milliards de tonnes de CO2 par an, quand l’Homme en a émis plus de 30 milliards la même année. À l’heure actuelle, l’état des puits de carbone est critique, à cause des multiples sécheresses et incendies qui ravagent les plus grandes forêts de ce monde… Les arbres s’affaiblissent à cause du stress hydrique et thermique, lorsqu’ils ne disparaissent pas dévorés par les incendies et les ravageurs. En 2023, les puits de carbone terrestre n’ont même pas pu absorber 3 milliards de tonnes de CO2.
Les défis des territoires forestiers dans le cycle du carbone et de l’eau
Les forêts sont détenues en majorité par des acteurs privés (à 75% en France) dont la finalité est la plupart du temps de produire du bois. Notre système actuel oriente donc cette production pour servir des intérêts économiques, au détriment de la préservation de l’environnement. Car en plus de sa fonction indispensable de puits de carbone, les forêts abritent une biodiversité unique et des écosystèmes essentiels à la vie sur Terre notamment au niveau de ses sols. Une infime parcelle du sol forestier contient plus d’organismes vivants que d’êtres humains sur Terre. L’humus, qui n’est autre que la somme des matières organiques décomposées présente dans les sols, est le premier élément essentiel à la fertilité des sols. Or certaines pratiques comme le broyage ou les coupes rases appauvrissent les sols en humus, qui finissent donc par mourir et plus rien ne peut y pousser sauf en ayant recours aux engrais chimiques.
Les forêts ont également un rôle à jouer dans le cycle de l’eau. Nous l’oublions assez souvent mais le cycle de l’eau est lui-même composé de deux cycles étroitement liés : le cycle de l’eau bleue, qui est celui de l’eau que nous utilisons au quotidien, et celui de l’eau verte qui correspond à l’eau gérée par les végétaux. Les deux sont interdépendants. L’eau bleue représente les cours d’eau, les lacs et les nappes phréatiques et qui transitent par les précipitations ainsi que par l'évaporation. L’eau verte est présente dans les sols et dans toute autre matière vivante végétale. Elle circule par évaporation puis par absorption et représente 60% de la masse d’eau douce. Les points de contact entre ces 2 cycles sont constants et démontrent l’importance des arbres et des plantes dans le cycle de l’eau.
Déforestation et monoculture : menaces pour les puits de carbone
Outre le changement climatique qui a un impact direct sur les écosystèmes forestiers, en augmentant l’intensité et la fréquence des catastrophes climatiques et en détériorant la qualité des interactions nécessaires à son bon fonctionnement, les activités humaines sont également une menace directe pour la pérennité des forêts.
En effet, beaucoup de forêts en Europe sont gérées afin de produire des bobines de papier, ce sont par exemple le cas des forêts des Landes. Ces bobines de papier servent entre autres à fabriquer des sacs en papier et autres colis qui transitent chaque jour par milliers. Ces forêts sont supposées être gérées de façon responsable, mais ce n’est malheureusement pas le cas la plupart du temps. Des membres de l’association Canopée ont constaté que des forêts entières étaient rasées pour fabriquer des objets qui ne seront que très peu réutilisés. Et ce n’est pas le cas qu’en France. La Suède est aussi largement exposée à cette surexploitation et pourrait voir ses plus anciennes forêts disparaître d’ici la fin du siècle. Les coupes rases sont notamment mauvaises car elles détériorent fortement les sols, détruisent les stocks de carbone et la biodiversité abritées par nos forêts, sans parler de l’impact que cela a sur les paysages.
Vers une gestion durable des forêts face aux pressions économiques
Et pour défendre les intérêts économiques d’une telle gestion, beaucoup d’acteurs politiques et de structures interviennent à différents niveaux et jouent de leur influence auprès du gouvernement. C’est par exemple le cas de certaines coopératives forestières françaises, qui soutiennent des modèles peu vertueux pour nos forêts, tels que les coupes rases et la monoculture. Étant présentes à chaque étape de la chaîne de production, ces coopératives ont tout intérêt à maintenir ce type de modèle, car cela leur garantit des perspectives économiques intéressantes par la suite. Plus elles coupent, plus elles vendent et peuvent replanter par la suite. Il est important de souligner que la monoculture est contre nature, c’est un type de culture créé seulement pour répondre à nos besoins de consommation qui a une faible capacité de résilience et qui affaiblit fortement les écosystèmes.
Et à l’échelle mondiale, les mêmes logiques capitalistes sont observées. De nombreuses forêts sont rasées pour produire des champs de soja destinés à l’alimentation animale, extraire de l’huile de palme, construire des routes ou implanter des hectares de panneaux solaires. Ces projets répondent encore une fois aux injonctions de la société de consommation, stimulés par un contexte de mondialisation favorable à la circulation des biens à large échelle.
Les solutions de compensation proposées ne pallient que très partiellement à ces modèles destructeurs car très peu sont viables sur le long terme. Par exemple planter des arbres pour créer de nouvelles forêts s’avère très compliqué car peu atteignent une maturité indispensable pour faire face aux aléas climatiques et aux épidémies. Cela doit rester une exception et être strictement encadré faute de dégrader la biodiversité forestière.
La politique forestière : un cadre à renforcer pour la préservation de nos écosystèmes
La politique nationale forestière de l'État s’appuie sur 4 axes visant à valoriser nos territoires forestiers, développer un mode de gestion durable et s’inscrire dans une démarche nationale, mais elle ne définit pas un cadre assez strict. Au même titre que le code forestier, composé de mesures de protection, qui n’est pas assez adapté aux problématiques actuelles. Ils doivent définir la hiérarchie des usages tout en respectant les objectifs de neutralité carbone et en proposant un cadre réglementaire qui permettrait de protéger la diversité des espèces animales et végétales qui dépendent des écosystèmes forestiers.
En conclusion, les forêts jouent un rôle crucial dans le maintien de l'équilibre écologique de notre planète. Elles agissent comme des puits de carbone, régulent le climat, préservent la biodiversité et fournissent des ressources essentielles pour les communautés humaines. Cependant, face à la déforestation, au changement climatique et à la dégradation des écosystèmes, il est impératif de repenser notre approche. La gestion durable des forêts apparaît comme une solution incontournable, permettant de concilier exploitation économique et préservation de la nature.