Article rédigé par Aurélien Dufour pour la Fondation Terre Solidaire
Des accords peu satisfaisants après les COP à Cali et Bakou, réélection de Donald Trump, climatosceptique revendiqué, inaction du G20… Ces dernières semaines, la gouvernance climatique mondiale semble en crise alors que 2024 s’apprête à être l’année la plus chaude jamais enregistrée, selon l’observatoire européen Copernicus.
Les COP à Cali et Bakou : des échecs successifs
Les enjeux et échecs de la COP16 sur la biodiversité
À Cali, « c’est fini ». Le 2 novembre s’achevait la COP16 en Colombie, sans que les 196 pays présents ne parviennent à un accord sur le financement de la protection de la nature. « C’est fini », a ainsi brièvement déclaré Susana Muhamad, la ministre colombienne de l’Environnement qui présidait la conférence.
Pourtant cette COP biodiversité avait attiré une affluence record, avec 23 000 participants. Tous regroupés avec l’objectif de faire appliquer l’accord de Kunming-Montréal (2022) qui prévoit, entre autres, de placer 30% des terres et des mers dans des aires protégées, d’ici 2030, pour préserver les espèces du changement climatique, ainsi que de porter à 200 milliards de dollars les dépenses annuelles en faveur de la nature. Les pays développés se sont déjà engagés à fournir 20 milliards de dollars par an aux pays du Sud d’ici 2025, et 30 milliards d’ici 2030.
Mais les 196 parties ne sont pas parvenues à répondre à la question de comment financer ces milliards. Durant les négociations, les pays d’Afrique réclamaient l’ouverture d’un autre fonds, jugeant difficile et restreint l’accès aux fonds déjà existants. Une proposition qui a été rejetée en bloc par les pays développés, qui estiment, au contraire, que les mécanismes actuels fonctionnent très bien.
Les pays présents ne se sont pas accordés non plus sur un suivi de l’application de l’accord de Kunming-Montréal. Chaque pays aurait dû s’engager à reporter ses avancées en matière de protection de biodiversité, et l’objectif global de 30% des terres et mers protégés. Mais si les 196 parties ont promis de faire un état des lieux en 2026, aucun cadre ni critère n’a été élaboré. Par ailleurs, seuls 44 des 196 membres avaient soumis leur nouveau plan national d’action en faveur de la biodiversité à l’issue de la COP.
« Ce signal négatif va retentir sur les autres négociations environnementales de la fin d’année car il met en évidence un profond désaccord sur la possibilité même de faire des transferts Nord Sud », anticipait Sébastien Treyer, de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), relayé par France 24.
Cette COP16 a toutefois porté quelques avancées. Les populations autochtones et les communautés locales ont obtenu le droit d’être représentées de façon permanentes au sein de la Convention sur la diversité biologique, regroupant tous les participants aux COP biodiversité. Un fonds Cali a aussi été adopté. Il recevra les bénéfices issus de la vente de produits contenant des génomes numérisés de végétaux – comme l’arôme de vanille par exemple – ou d’animaux des pays en développement. Les entreprises sont incitées – et non contraintes – à verser 0,1% de leurs revenus à ce nouveau fonds, qui pourrait, à terme, engendrer près d’un milliard d’euros par an, chiffre Le Monde.
COP29 : un accord contesté sur le financement climatique
C’est dans la nuit du 23 au 24 novembre, après deux jours de prolongation, que les États membres à la COP29 à Bakou, en Azerbaïdjan, se sont mis d’accord sur un texte. Ce texte, le New Collective Quantified Goal (NCQG), prévoit que les pays développés versent 300 milliards de dollars (286 milliards d’euros) aux pays en développement pour aider au financement de leur transition écologique, à l’horizon 2035. Si le montant a été triplé par rapport au précédent accord en la matière – 100 milliards de dollars d’aide versés en 2022, deux ans en retard –, les pays du Sud ont vu en ce texte une « illusion d’optique ». Cette expression vient de la délégation indienne, qui immédiatement après que le président de la COP29, Mukhtar Babayev, a donné le coup de marteau entérinant l’accord, a souligné son opposition. « Nous sommes blessés, très blessés par ce qu’ont fait la présidence et le secrétariat », débute ainsi Chandni Raina, la déléguée de l’Inde, qui voulait s’exprimer avant que les débats ne soient clos. « L’Inde n’accepte pas cette proposition dans sa forme actuelle. Ce document est une illusion d’optique », a-t-elle poursuivi, comme le relaie Le Monde.
La déclaration de l’Inde a été directement soutenue par les délégations de Cuba, de Bolivie ou du Nigéria. Ces pays en développement, tout comme les pays les moins avancés ou ceux insulaires réclamaient une aide plus conséquente de la part des pays du Nord, historiquement responsables du changement climatique. Le groupe Afrique avait dans un premier temps appelé les pays développés à fournir une aide de 1300 milliards de dollars. Le G77+Chine, 134 pays en développement, ont, dans un second temps, demandé entre 500 et 600 milliards de dollars. De son côté, le groupe d’experts mandaté par l’Organisation des Nations unies (ONU) a estimé les besoins en financement des pays en développement, hors la Chine, pour leur transition climatique à 1000 milliards de dollars en 2035, provenant à la fois d’investissements publics et privés.
C’est pourquoi le NCQG « appelle », sans aucune forme de contrainte, à mobiliser 1300 milliards de dollars. De quoi faire de cette COP29 « le début d’une nouvelle ère pour la finance climatique », a congratulé Wopke Hoekstra, commissaire européen à l’action climatique, à rebours des délégations des pays du Sud.
Avant de signer ce texte principal, les pays regroupés à Bakou se sont accordés sur la création d’un marché carbone. Prévu depuis l’accord de Paris en 2015, ce marché carbone permet aux États et entreprises de compenser une partie de leurs émissions en CO2 en achetant des crédits à d’autres pays ou firmes. Un crédit équivaut à l’équivalent d’une tonne de CO2. Ces crédits sont générés à travers des activités réduisant les émissions de gaz à effet de serre (plantation d’arbres, arrêt d’énergies polluantes…). 2% de chaque crédit, soit l’équivalent de 20 kilos de CO2, ne pourront pas être vendus, pour permettre une réelle baisse des émissions et pas seulement leur transfert. Si ce marché, qui pourrait fonctionner d’ici la fin 2025, est salué par les uns, d’autres craignent l’absence de contrôle et que le marché carbone ne détourne les pays et les entreprises de leur objectif de décarbonation. « La compensation n’est rien d’autre qu’un cadeau aux pollueurs », estime Erika Lennon, du Center for International Environmental Law.
De leur côté, les pays développés ont également quitté Bakou avec un goût d’amertume. Ils n’ont pas réussi à convaincre la Chine, les pays du Golfe ou Singapour, d’anciens pays considérés en développement mais aujourd’hui bien plus riches, à participer à la contribution aux pays du Sud pour financer leur transition climatique. La Chine, deuxième économie mondiale et première émettrice des gaz à effet de serre (1/3 des émissions), est notamment pointée du doigt.
La réélection de Donald Trump : quel impact sur le climat ?
Le 5 novembre, l’élection américaine « la plus indécise de l’histoire » a rapidement donné son verdict, ne laissant pas la place au moindre suspense. Donald Trump a été réélu président des États-Unis avec plus de cinq millions de voix d’écart, moins d’une semaine avant l’ouverture de la COP29 à Bakou. Avec le Congrès dominé par les Républicains, une fois investi le 20 janvier, Donald Trump pourra faire appliquer son programme climatosceptique, lui qui considère le changement climatique comme « l’une des plus grandes arnaques de l’histoire ». « Je ferai deux choses le premier jour [où je serai élu] : ‘‘drill baby drill’’ et fermer les frontières », annonçait ainsi Donald Trump, lors de la convention républicaine à Milwaukee (Wisconsin) les 18 et 19 juillet, reprenant le slogan du Grand Old Party de 2008 qui soutenait l’intensification des forages pétroliers.
Sortie de l’accord de Paris, levée des restrictions sur la production des énergies fossiles, intensification des forages en Arctique, liste ainsi pêle-mêle Brut, parmi les ambitions de Trump. Le futur 47e président des États-Unis, première économie mondiale, prévoit aussi d’abolir les normes environnementales dans les émissions de gaz à effet de serre des véhicules, ajoute Franceinfo. L’octogénaire compte également s’attaquer au fait scientifique en démantelant l’Agence de Protection de l’Environnement (EPA) ainsi que l’Agence américaine d’Observation océanique et atmosphérique (NOAA), évoque le média en ligne Bonpote, spécialisé dans l’environnement.
Depuis son élection, le président élu travaille déjà à la composition de son gouvernement. Le 17 novembre, Donald Trump a ainsi nommé Chris Wight, patron d’une entreprise spécialisée dans les techniques d’extraction d’hydrocarbures et ouvertement climatosceptique… ministre de l’Energie. Le républicain a aussi créé un Conseil national de l’énergie pour atteindre « la domination énergétique des États-Unis ». À la tête de cette nouvelle organisation figure Doug Burgum, gouverneur du Dakota du Nord, mais surtout proche de l’industrie pétrolière et gazière. Franceinfo relate ainsi les craintes de plusieurs organisations de protection de l’environnement, redoutant de nouvelles exploitations dans des zones naturelles protégées, comme l’administration Trump l’avait déjà fait en Alaska en 2020.
Le G20 à Rio : un sommet sans engagements environnementaux
Au sommet du G20 à Rio de Janeiro, au Brésil, le 19 novembre, les pays membres n’ont pas fait de réelles annonces sur le changement climatique. Dans une déclaration commune, ils ont rappelé l’importance « d’opérer une transition juste, ordonnée et équitable vers une sortie des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques », reprenant les termes de l’accord qui avait été signé à Dubaï lors de la COP28 il y a un an. Si le G20 admet la nécessité d’augmenter la finance climatique « à des milliards de dollars, provenant de toutes les sources », il ne précise pas qui est concerné. C’est précisément tout l’enjeu précisément de la COP29 qui se déroulait simultanément à Bakou.
En France, l’écologie sacrifié dans le budget 2025 ?
Au-delà de ces quatre grands rendez-vous, la France à l’échelle nationale semble aussi mettre de côté la question climatique. Dans la version initiale du budget 2025 – qui n’a pas encore été adopté par le Parlement – dévoilée le 10 octobre, plusieurs mesures environnementales ont subi un coup de rabot, dans le contexte de crise budgétaire. Le fonds vert, destiné au financement de la transition écologique des collectivités territoriales, est notamment divisé par quatre, calcule Public Sénat. L’aide au bonus d’achat d’un véhicule électrique est, elle, amputée de 500 millions d’euros. D’un point de vue global, 2,8 milliards d’euros du budget sont dédiés à la question de la transition écologique, contre 7 milliards l’an dernier, pour le précédent budget. Si elle veut respecter son objectif de neutralité carbone en 2050, la France doit investir plus de 110 milliards d’euros chaque année en 2030, selon un rapport du Trésor public.