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Le vrai impact de la pollution numérique

Qu’est-ce qui pollue le plus entre une feuille de papier et un email ? L’impact écologique de la digitalisation est-il si faible qu’il ne le paraît ? Entre l’IA, les smartphones ou encore les plateformes de streaming, les idées reçues sur le coût carbone de la digitalisation sont nombreuses et la réalité de la pollution numérique souvent masqué.

Un impact invisible mais réel

Perçu comme propre par de nombreuses personnes, le numérique représente aujourd’hui plus de 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, autant que l’ensemble du trafic aérien civil selon l’ADEME. Le plus inquiétant étant que cette part devrait doubler d’ici quelques années si rien ne change. Cette future augmentation de la pollution numérique sera notamment appuyée par l’utilisation de l’IA, qui rentre de plus en plus dans nos pratiques numériques quotidiennes.

À titre de comparaison, l’industrie du bâtiment pèse environ 10 % des émissions mondiales, tandis que la mode en génère entre 4 et 8 % selon le Programme des Nations unis pour l’environnement. Même si le numérique reste encore en dessous de ces industries historiquement polluantes, il s’en rapproche de plus en plus.

La particularité du numérique est que son empreinte est invisible. Elle se cache dans nos smartphones, nos clouds ou encore nos boîtes mail. La pollution numérique apparait plus que jamais comme un réel enjeu collectif de sobriété. Réduire le coût carbone du numérique ne revient pas à renoncer à ce dernier, mais bien à le rendre soutenable. Pour que le monde connecté de demain ne déconnecte pas la planète d’aujourd’hui.

Intelligence artificielle : la nouvelle usine à CO₂

Ces dernières années, le « débat » sur la pollution numérique a notamment été relancé par l’essor de l’IA.

Selon certaines études, une seule conversation de quelques questions avec ChatGPT consommerait 0,5 litre d’eau. Cette forte consommation en eau est dû à la nécessité de refroidir les serveurs puissants et fortement énergivores de ces IA. À l’échelle mondiale, la demande en IA pourrait représenter plusieurs milliards de m3 d’eau d’ici 2027.

Les géants du secteur comme Google, Microsoft ou OpenAI annoncent des progrès comme le recours à d'avantage d’énergies renouvelables ou le développement d’algorithmes mieux optimisés. Mais ces efforts sont bien loin de suivre l’explosion du nombre d’utilisateurs et la taille toujours plus massive des modèles d’IA. Même si l’intelligence artificielle promet des gains d’efficacité dans de nombreux domaines comme la santé, l’énergie ou encore l’éducation, la facture carbone et hydrique qu’elle engendre en fait un vrai gouffre énergétique.

Les discrets data centers

Évoqués précédemment, les datas centers sont également un poids énorme dans l’empreinte carbone du numérique. Le “cloud” ? Un mot léger pour une industrie très lourde : béton, câbles, et des mégawatts à la chaîne.
Ces véritables “usines à données” engloutissent de l’électricité jour et nuit de manière gargantuesque pour faire tourner les serveurs sans arrêt. Des quantités astronomique d’eau sont ainsi utilisées pour refroidir ces serveurs. Certains centres consomment plusieurs millions de litres d’eau par jour, parfois dans des régions déjà en stress hydrique.

En France, les data centers représentent près de la moitié de l’impact carbone du numérique, contre 16 % en 2020. Les grands acteurs du numérique comme Google, Microsoft ou encore Amazon se veulent exemplaires en matière de transition énergétique en investissant massivement dans les énergies renouvelables et dans des
technologies de refroidissement. Cependant, ces progrès ne compensent souvent pas la croissance exponentielle de la demande. Derrière des gestes simples comme l’envoi d’une photo ou la sauvegarde d’un fichier sur un cloud, une infrastructure lourde est déployée, qui consomme sans relâche de l’électricité, de l’eau ou encore de nombreux métaux. Le digital n’est donc pas une simple technologie immatérielle, mais bien une industrie à part entière, avec ses usines, ses réseaux et donc, ses problèmes et sa pollution numérique.

Mails, recherches web, plateformes de streaming : un quotidien énergivore

Regarder une série, envoyer un mail, faire une recherche : ces gestes anodins du quotidien ont pourtant un vrai coût écologique. Derrière nos écrans, une infrastructure massive travaille en continu : câbles sous-marins, serveurs, data centers, et une consommation électrique qui ne cesse de croître.

Prenons l’exemple du mail. Un message sans pièce jointe représente environ 4 g de CO₂, soit l’équivalent d’un sac plastique. Ajoutez une pièce jointe, et on peut grimper à 50 g, comme une ampoule allumée pendant 5 heures. À l’échelle d’une entreprise de 100 personnes envoyant 30 mails par jour, cela peut représenter plus de 13 tonnes de CO₂ par an autant que 13 vols aller-retour Paris-New York.

Autre geste courant : faire une recherche en ligne. Une seule requête Google émet environ 0,2 g de CO₂. Ce n’est rien, mais multiplié par les plus de 8 milliards de recherches effectuées chaque jour dans le monde, cela devient considérable, autant qu’un convoi de camions sur l’autoroute.

Mais le plus gros poste d’émissions reste le streaming vidéo. Il représente à lui seul près de 60 % du trafic mondial. Regarder une heure de vidéo en haute définition, c’est 200 g de CO₂ autant que parcourir 1 km en voiture. En 4K, on double quasiment l’impact.

Loin d’être immatériel, le numérique pèse lourd dans notre empreinte carbone. Réduire cet impact ne veut pas dire tout arrêter, mais faire des choix : éviter les vidéos en ultra HD sur de petits écrans, limiter les pièces jointes inutiles, prolonger la durée de vie de nos appareils. Des gestes simples, mais qui, multipliés, peuvent faire la différence.

Le digital est-il forcément plus écologique que le papier ?

On pense souvent que le numérique est forcément plus écologique que le papier. Moins d’impressions, moins d’arbres coupés, moins d’eau consommée : l’idée est séduisante, mais incomplète.

Car derrière chaque écran, il y a une chaîne lourde et polluante : extraction de métaux rares dans des mines à ciel ouvert, destruction des écosystèmes, usage massif d’eau qui assèche les nappes phréatiques, et utilisation de produits chimiques polluants, sans parler des conditions de travail dans les pays producteurs. Pour fabriquer un seul smartphone, on extrait près de 70 kg de matières premières. C’est entre 50 et 80 kg de CO₂ émis, bien avant d’avoir été allumé.

Ensuite, vient l’usage : stockage des données, transferts, fonctionnement des serveurs, tout cela consomme énormément d’énergie, comme vu plus haut.

Alors, que choisir papier ou numérique ? Il n’y a pas de réponse unique. Lire un journal papier de temps en temps pollue moins qu’un smartphone neuf. Mais lire tous les jours sur un appareil durable, bien utilisé et bien recyclé, est souvent plus responsable.

Le problème n’est pas le support, mais notre frénésie de consommation. C’est la fréquence de renouvellement, l’obsolescence programmée, et la démultiplication des usages qui font exploser l’empreinte écologique du numérique.

Pour limiter l’impact, une seule voie : mieux produire, moins jeter, et surtout, mieux utiliser. C’est à cette condition que le numérique peut devenir un outil au service de la transition écologique — pas un frein.

ENSEMBLE, accélérons la transition écologique et solidaire