Les forêts, poumons de nos espaces terrestres, sont de véritables réservoirs de biodiversité et abritent de précieuses ressources pour les activités humaines. À l’heure où la pression s’accentue sur nos forêts, la pratique des coupes rases s’intensifie et font l’objet de multiples débats.
Qu’est ce qu’une coupe rase ?
Définition
Nous parlons de coupe rase, ou de coupe à blanc, lorsque la totalité des arbres d’une parcelle sont abattus. Pour répondre à une demande croissante en bois, notamment pour nos besoins en énergie, des forêts entières sont rasées, puis replantées, souvent avec des monocultures. Généralement, les nouvelles plantations sont destinées à l’industrie.
Des coupes rases peuvent aussi avoir lieu pour construire des bâtiments (lotissements, panneaux solaires…) ou lorsque les arbres en place sont morts, on parle alors de coupe sanitaire. Et en coupant tous les arbres d’un coup lors d’une coupe rase, le rythme naturel de la forêt est fortement entravé. Cela ne laisse pas le temps à la parcelle de s’adapter en laissant pousser de nouvelles essences, avec un couvert qui devient de plus en plus clair.
Actuellement, les coupes rases représenteraient entre 60 000 et 200 000 hectares par an. Mais bien que la pratique soit contestée, il n’existe pas encore de définition communément admise, ce qui empêche la communication de chiffres stables.
Législation en Europe et en France
Au niveau européen, les législations encadrant les coupes rases sont très variables. Dans certains pays plutôt montagneux, elles sont totalement interdites. C’est le cas de l’Italie, de la Slovaquie, de la Slovénie, de la Suisse et de la Bulgarie. Pour d’autres, c’est plus ou moins strictement encadré. Enfin, pour les derniers, l'encadrement est inexistant. Parmi ceux-là, la France. Les coupes rases en France sont autorisées sans limites, alors qu’il faudrait pouvoir encadrer la pratique et l’adapter aux spécificités de chaque région.
La Commission européenne, dans le cadre de la révision des directives sur les énergies renouvelables, peut techniquement fixer un seuil maximum. Malheureusement, elle se heurte aujourd’hui aux lobbies de la filière.
Les conséquences
Impact sur les écosystèmes et les sols
Une expertise scientifique publiée en 2022 démontre que les coupes rases ont de nombreux effets néfastes, particulièrement sur les écosystèmes locaux et sur les sols. Lors de pluies, l’eau n’est plus retenue, ou peu, dans les sols, ce qui favorise l’érosion. La température augmente aussi fortement sur les zones où des coupes rases ont été pratiquées. Il n’y a plus d’ombre ni d’évapotranspiration.
Impact sur la résilience des forêts
Importants puits de carbone, les arbres (principalement les feuillus) stockent le CO2 pendant leur croissance grâce au phénomène de photosynthèse. Or, d’après les registres rédigés suite aux Accords de Paris, le carbone stocké dans les arbres est libéré dans l’atmosphère en les coupant, ce qui contribue au réchauffement climatique global et altère la capacité des forêts à absorber le CO2.
D’une manière générale, les coupes rases appauvrissent les essences et les écosystèmes. Les forêts replantées, avec très peu de diversité, sont beaucoup moins aptes à s’adapter aux changements et à remplir leur fonction de régulateur. Une monoculture de résineux (qui représentent aujourd’hui 74% des arbres plantés) par exemple, sera beaucoup moins résistante face aux aléas climatiques et aura plus de mal à atteindre l’âge adulte. En effet, les jeunes arbres sont plus fragiles et subissent plus de stress hydrique. Moins il y a de diversité, plus la parcelle de forêt sera fragile.
Les alternatives aux coupes rases
Faut-il interdire les coupes rases ?
D’après une étude de l’Inventaire Forestier National, 87% des forêts se régénèrent naturellement, sans avoir besoin de planter de nouveaux arbres. C’est donc bien l’exploitation intensive et les prélèvements en trop grandes quantités, à l’image des coupes à blanc, qui nécessitent de planter de nouveaux arbres, sauf dans de rares cas où la régénération naturelle ne suffit pas (en diversité ou en quantité).
Les coupes rases détruisent les écosystèmes forestiers, dégradent la biodiversité et les sols, et relâchent du carbone dans l’atmosphère. À défaut de pouvoir les interdire complètement, il est nécessaire d’instaurer un cadre légal strict, que des acteurs indépendants seront chargés de l’appliquer.
La gestion raisonnée
En France, et partout dans le monde, différents modes de gestions durables permettent de conserver l’équilibre des forêts et de la biodiversité, notamment en ne portant pas atteinte à la diversité des essences et en prélevant au bon moment. La diversification est la pratique la plus efficace pour avoir des forêts résilientes, qui continuent de grandir.
- Coupes sélectives : couper les essences qui ne porteront pas atteinte à l’équilibre de la parcelle forestière, à l’image du métier de sculpteur de lumière, qui consiste à choisir les arbres à couper dans le but de laisser entrer la lumière au bon endroit pour les arbres aux alentours.
- Sylviculture Mélangée à Couvert Continu : modèle de gestion qui nécessite plusieurs interventions variées comme l’enrichissement ou l’éclaircissement afin d’améliorer d’une manière continue la forêt concernée. Le volume de bois produit est bon, et le carbone est stocké durablement.
- Sylviculture invisible : très peu d’interventions, sauf en cas de nécessité lorsqu’une essence est malade par exemple. Le but est que le promeneur ne voit pas qu’il se promène dans une forêt où le bois est géré par un exploitant. Cela montre que le travail est bien fait ! Globalement, l’idée est de préserver et de restaurer des forêts déjà existantes, où l’Homme interviendra plus souvent, mais d’une manière moins intensive.
Sans parler de mode de gestion, il est également possible de préserver davantage les forêts en laissant des parcelles libres où la biodiversité peut se développer naturellement. Conserver des forêts primaires ou très vieilles est très précieux, car ce sont de véritables joyaux pour la faune et la flore locales.
Conclusion : coupes rases, une pratique à encadrer
Si nous voulons continuer à utiliser du bois pour nos différents usages tout en préservant les forêts, il est nécessaire d’adapter nos pratiques. La gestion intensive n’est pas durable. Elle ne protège ni la diversité des essences ni la biodiversité, et ne nous garantit pas non plus des ressources inépuisables. Les coupes rases aggravent la vulnérabilité de nos espaces forestiers. À la place, il est préférable de se tourner vers des pratiques plus proches des fonctionnements naturels. Mais pour que cela soit possible, il faut avant tout réduire la demande en bois et sensibiliser les populations aux enjeux de nos forêts.
Article par Marie Huré
