La mission du réseau MAIN (Microfinance African Institutions Network) est de promouvoir à l’échelle du continent africain la finance inclusive et solidaire. Pouvez-vous nous dire en quoi cela consiste ?
Le réseau MAIN, basé à Lomé au Togo, rassemble 113 structures de proximité (ONG, associations, coopératives…) dans 29 pays africains. Ces Institutions locales de Micro Finance (IMF) proposent des microcrédits, mais également d’autres types de services comme l’épargne, la micro assurance, appui & conseils, des formations, etc. En tout, ce sont 13,9 millions de personnes sur le continent qui bénéficient ainsi des services des membres du réseau MAIN .
Ainsi, la finance inclusive et solidaire est cette finance qui a vocation à n’exclure personne et qui se préoccupe du bien-être des bénéficiaires. Elle s’adresse en priorité aux populations rurales, aux femmes et aux jeunes, aux micro-entrepreneurs ainsi qu’aux personnes à faibles revenus. Elle est devenue sur le continent africain un puissant outil de développement car elle cible prioritairement les populations vulnérables.
L’objectif pour le réseau MAIN et ses membres est de la promouvoir en particulier auprès des partenaires au développement. D’ailleurs, bon nombre ont compris l’utilité de cette finance inclusive et solidaire pour permettre aux populations les plus défavorisées de bénéficier de produits financiers adéquats et ainsi développer des Activités Génératrices de Revenus (AGR) dans l’agriculture, le petit commerce ou encore l’élevage. Au Togo, par exemple, le gouvernement a développé un Fonds National de la Finance Inclusive (FNFI) permettant ainsi aux populations les plus reculées et les plus défavorisées d’accéder à des financements et d’entreprendre des AGR. Des initiatives similaires existent également dans d’autres pays d’Afrique comme au Bénin.
L’Afrique fait face à de nouveaux enjeux tels que ceux liés aux effets du changement climatique alors même que de nombreux défis restent encore à résoudre en matière de développement et de lutte contre la pauvreté. Quels rôles les IMF africaines peuvent-elles jouer face au changement climatique ?
Que nous vivons dans un pays développé, comme la France, ou dans un pays moins avancé ou pauvre, les effets du changement climatique nous interpellent tous. Le défi du changement climatique est aujourd’hui globalement reconnu et les menaces inhérentes sont mieux comprises que jamais. En Afrique, les populations pauvres sont les plus vulnérables face à ces changements. Leurs moyens de subsistance proviennent très souvent d’activités (comme la pêche ou l’agriculture) qui sont les plus touchées par les modifications du climat mais aussi par l’augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes. Comme on l’a vu, la microfinance constitue un véritable outil de lutte contre la pauvreté, bien souvent la seule, pour des populations en situation de précarité ou de vulnérabilité. Il est donc primordial que la microfinance africaine se saisisse de ces enjeux. Elle doit être capable de sensibiliser et d’accompagner ses clients à développer des activités économiques plus résilientes mais également plus écologiquement responsables. En microfinance le caractère économiquement viable des projets à financer est crucial. Dans la lutte contre le changement climatique l’impact environnemental et social l’est tout autant. Dans le cadre de l’inclusion financière et à travers des alliances avec les producteurs d’énergies renouvelables, les acteurs en microfinance auront tôt fait de déceler les opportunités et valoriser leur savoir-faire sur la base d’analyses solides des besoins de leurs clients. Par exemple, les IMF ne devraient plus financer la production de charbon d’autant plus quand celle-ci aggrave la déforestation. Se pose alors la question des alternatives à encourager et à proposer à ces personnes. Des alliances avec les fournisseurs de gaz butane sont possibles pour remédier à ce phénomène de déforestation qui nuit considérablement à notre environnement.
Aujourd’hui c’est un challenge supplémentaire pour les IMF, qui auparavant avaient jusqu’ici une double mission : être viable financièrement tout en ayant un impact social auprès des plus pauvres. Elles doivent aujourd’hui prendre en compte une troisième dimension qui est l’aspect environnemental qui doit rendre compte de l’impact des activités de leur clients sur l’environnement.
Comme vous le soulignez, les IMF doivent relever deux enjeux. Celui d’accompagner leurs clients à s’adapter à l’évolution des conditions climatiques et celui d’atténuer la gravité du changement climatique en arrêtant de soutenir des activités néfastes pour l’environnement. Or jusqu’ici, le constat est que les IMF africaines sont peu mobilisées en faveur d’une transition écologique et sociale. Comment les impliquer davantage ?
Les IMF doivent prendre la mesure des questions liées au changement climatique. Et pour cela, la sensibilisation des IMF sur les problématiques environnementale et écologiques doit être beaucoup plus importante. C’est l’ambition que s’est donnée le réseau MAIN pour les prochaines années
Pour cela, nous proposons à nos membres deux types de sensibilisations :
- Une première dirigée directement vers le personnel des IMF. Car si l’appropriation des problématiques écologiques et environnementales ne se fait pas par le personnel des IMF, il n’est pas possible pour les équipes de sensibiliser les clients.
- Une seconde s’adresse aux clients des IMF afin de les engager à avoir systématiquement un volet écologique dans leurs activités. Le réseau MAIN va mettre davantage l’accent sur cette sensibilisation en développant des outils de formation notamment visuels pour une cible assez peu instruite.
Nous avons également une action auprès des universités afin d’inclure la transition écologique et sociale dans les programmes universitaires.
La transition écologique et sociale est une réelle préoccupation pour le réseau MAIN et va être au cœur de ses activités à partir de 2020.