“La vraie punition, c’est l’inaction.”
Jean Jouzel, climatologue, membre de l’Académie des Sciences et ancien vice-président du groupe scientifique du GIEC
Dans une interview accordée à la Fondation Terre Solidaire et réalisée par Olivier Nouaillas, journaliste spécialiste des questions environnementales, Jean Jouzel, éminent climatologue, membre de l’Académie des Sciences et ancien vice-président du groupe scientifique du GIEC, dresse un constat alarmant sur l'état d'avancement du changement climatique et ses conséquences déjà perceptibles. Ses propos, étayés par des données scientifiques, appellent à une prise de conscience collective et à des actions immédiates pour préserver les équilibres environnementaux de la planète.
Une cause humaine indéniable
Dès le début de l'entretien, Jean Jouzel affirme sans détour que "le changement climatique est bien une réalité causée par les activités humaines". En effet, les émissions massives de gaz à effet de serre issues principalement de la combustion des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) piègent le rayonnement infrarouge dans l'atmosphère terrestre, entraînant un réchauffement global de la planète."Les concentrations atmosphériques de CO2 ont augmenté de 40% depuis l'ère pré-industrielle, ce qui n'a pas de précédent sur des centaines de milliers d'années" souligne le scientifique. L'impact radiatif de ces gaz à effet de serre excède désormais largement les causes naturelles du changement climatique.
Des impacts déjà visibles et préoccupants
Jean Jouzel décrit ensuite les nombreux impacts, déjà observables, du réchauffement climatique en cours. La fonte accélérée des calottes glaciaires et de la banquise arctique en est l'une des manifestations les plus spectaculaires. Celle-ci contribue à l'élévation du niveau des océans, menaçant les zones côtières basses et les îles du Pacifique. Le climatologue met aussi en garde contre la multiplication et l'intensification des événements météorologiques extrêmes : "Nous assistons à une recrudescence des canicules, des sécheresses mais aussi des épisodes de pluies intenses et d'inondations dévastatrices, en lien direct avec le réchauffement de la planète".
Limiter le réchauffement à +1,5°C, un objectif vital
Face à ces constats, Jean Jouzel insiste sur la nécessité absolue de limiter le réchauffement climatique à +1,5°C par rapport aux niveaux pré-industriels, conformément aux objectifs de l'Accord de Paris de 2015. "Au-delà de ce seuil, nous entrerions dans une zone de danger avec des conséquences potentiellement incontrôlables et dramatiques pour l'humanité" prévient-il. Le scientifique appelle donc les gouvernements et la société civile à engager dès à présent des transformations majeures, notamment une transition énergétique massive vers les énergies renouvelables afin de réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre. "Nos modes de production, de consommation et de vie devront aussi évoluer en profondeur" plaide-t-il.
Il souligne ainsi que le défi du changement climatique ne peut être relevé par des solutions purement technologiques. Nos sociétés doivent repenser en profondeur leurs modèles économiques et leurs habitudes de vie qui sont à l'origine des émissions excessives de gaz à effet de serre.
Une articulation nécessaire entre lutte contre le changement climatique et justice sociale
Jean Jouzel souligne le fait que les plus modestes de la population souffrent davantage des conséquences du réchauffement climatique. Et ce sont aussi les populations les moins à même de faire face au changement climatique et souvent touchées de plein fouet par des mesures qui peuvent leur porter préjudice.
Il donne en exemple l'augmentation des taxes environnementales, comme la taxe carbone, qui peut affecter de manière disproportionnée les 10 % les plus modestes de la population. “Les 10 % les plus modestes auraient été trois fois plus affectés que les 10 % les plus riches par l'augmentation de la taxe carbone, illustrant un sentiment d'injustice.”
Un défi pour les générations actuelles et futures
En conclusion, Jean Jouzel considère le changement climatique comme "l'un des plus grands défis auxquels l'humanité est confrontée". Selon lui, il en va de notre responsabilité collective de prendre dès maintenant les mesures qui s'imposent pour préserver les équilibres environnementaux et les conditions d'un développement durable pour les générations présentes et à venir."Nous n'avons pas le droit d'hypothéquer l'avenir de nos enfants et petits-enfants. C'est une question de survie pour l'espèce humaine" conclut ce spécialiste de renom, appelant chacun à la mobilisation face à cet enjeu planétaire.
Retrouvez l'intégralité de l'interview sur la chaine YouTube de la Fondation Terre Solidaire