Article rédigé pour la Fondation Terre Solidaire par Baptiste Martin
"Ce matin, on a discuté avec la société avec laquelle on fait nos déplacements pour savoir si on ne pouvait pas se déplacer en char à voile.” Vous avez certainement entendu cette réponse de Christophe Galtier, entraîneur du Club de football du Paris Saint-Germain, à un journaliste qui l’interpellait en septembre 2022 sur les déplacements polluants de l’équipe. Cette phrase polémique avait servi de catalyseur pour lancer un grand débat et une prise de conscience sur les liens tumultueux entre sport et environnement.
Le sport, acteur écologique en devenir ?
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le sport a un rôle majeur dans la lutte contre le changement climatique. D’abord parce qu’il est un relais de grandes causes : la lutte contre le racisme par exemple est portée depuis plusieurs années par différentes organisations sportives. Le brassard “Respect” des capitaines des équipes de football dans les compétitions de la FIFA témoigne aussi d’une volonté de faire passer un message de solidarité au grand public. Il faut dire que de nombreuses personnes sont touchées par le sport : près de 30 millions de spectateurs en France pour la finale de la coupe du monde de football 2022, autour de 12 millions aux Etats-Unis pour les Finals de basket la même année… Avec une audience aussi large, les compétitions de sport ont un rôle à jouer dans la sensibilisation écologique.
D’autant plus qu’elles ont intérêt à le faire. Selon le rapport de WWF France Dérèglement climatique : le monde du sport à +2°C et +4°C, la pratique du sport en elle-même sera compromise avec le changement climatique. Certaines disciplines en souffrent déjà : le
ski et autres sports hivernaux doivent toujours chercher la neige plus haut, plus loin, au détriment des petites stations qui se meurent. Le rapport est sans appel : même les joggers auront du mal à courir si la température augmente. Pour rappel, au-delà de 32°C, faire du sport peut être dangereux pour la santé. Et de nos jours, 32°C semble être une température assez commune. Le sport a donc tout à gagner à militer pour préserver l’environnement et réduire le réchauffement climatique.
Le sport, acteur polluant ?
Le sport est un acteur assez polluant et loin d’être éco-responsable. Le principal point noir, ce sont les transports : les voyages des spectateurs et des joueurs sont responsables de 65% des émissions de CO2 du secteur. Plus il y a de spectateurs, plus ces émissions sont fortes comme le montre un rapport du Shift Project publié en mars 2024.
En dehors du transport, les infrastructures sportives en elles-mêmes ne sont pas du tout construites pour être éco-responsables. Entre la construction de stades climatisés au Qatar pour la Coupe du monde de football 2022, la rénovation de stades déjà existants et l’entretien général de ces structures, le coût écologique des infrastructures est conséquent.
Un autre problème écologique que pose le sport est celui de la pollution morale. Concrètement, il s’agit des messages que véhiculent les organisations sportives, et ils ne ne sont pas glorieux. Souvent, les grandes compétitions sont sponsorisées par des entreprises qui ne font pas vraiment bonne figure : la Coupe d’Afrique des Nations est ainsi financée par Total Energies, multinationale connue pour ses exploitations polluantes et peu respectueuses des populations locales. S’afficher publiquement avec des acteurs reconnus pour leur comportement très polluant encourage l’idée que l’écologie est un enjeu secondaire et que le profit passe avant tout.
Pour essayer de se rattraper, plusieurs instances tentent de prendre des engagements. Par exemple, pour les Jeux Olympiques (JO) de Londres en 2012, l’organisation avait établi un cahier des charges avec le WWF et Biorégional. Les promesses étaient ambitieuses : zéro émission de CO2, zéro déchet, gestion durable de l’eau… Mais le bilan est bien loin des promesses : si quelques avancées ont pu être faites, les JO sont restés très loin de leurs ambitions. De quoi se questionner sur la promesse du gouvernement français de compenser 100% de leurs émissions de CO2 lors des JO 2024. Des promesses non tenues qui soulignent une fois de plus le travail qui reste à faire dans ce milieu.
Que faire pour assurer la transition écologique du sport ?
Plusieurs initiatives naissent dans le domaine du sport pour tenter de le rendre plus vert. D’abord, directement décarboner et responsabiliser le domaine du sport en accompagnant les instances dans leur transition écologique. Un Rapport de l'Observatoire du sport populaire: "Quel sport demain?" pour le canton du Vaud en Suisse indique que “cela implique le renforcement d’un système de transports publics donnant accès aux infrastructures sportives, un soutien important à la mobilité douce, la rénovation des infrastructures existantes, la création d’infrastructures en extérieur, la mise en place d’une production de biens locale et la remise en question des logiques consuméristes qui dominent les consommations sportives.” C’est donc tout un système qui est à revoir et à remettre en cause pour aller vers un fonctionnement plus éco-responsable et vertueux.
Différents acteurs se proposent ainsi d’accompagner les instances sportives dans leur transition : Football Ecologie France pour le foot, Mountain Riders pour les espaces de montagne, ou encore Match For Green qui s’est récemment engagé avec la Fédération Française de Rugby. Toutes ces associations cherchent à aider et sensibiliser les organisations sportives pour aller vers un sport plus vert. De manière plus générale, elles amènent aussi un autre regard sur le sport et changent la façon dont on peut le voir. C’est ce que propose le concept de slow sport, qui invite à repenser son rapport au sport et à la nature en articulant corps, esprit, nature et culture.
L’objectif est aussi d’utiliser le tremplin du sport comme outil de sensibilisation. Vous vous rappelez de l’initiative de la Fresque du Climat, qui vise à sensibiliser à l’écologie par le jeu ? The Climate Workout s’inscrit dans cette idée : discuter et sensibiliser aux enjeux environnementaux en passant par des ateliers sportifs. En voyant le sport comme vecteur d’unité et de bien-être physique et mental, ce projet permet de lier intimement sport et climat dans un cercle vertueux. C’est là l’avenir du sport : revenir à un sport bénéfique pour le corps et l’esprit, tout en restant respectueux de notre environnement.