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Les questions soulevées par l’aide apportée aux céréaliers d’Ile-de-France

Fin août, la présidente de la Région Île-de-France a annoncé une aide exceptionnelle de 6,5 millions d’euros pour les céréaliers. L’année 2016 aura été particulièrement difficile pour les céréaliers franciliens avec une récolte moyenne en baisse de plus de 40 %. Les pluies et inondations printanières en sont la principale raison. Cette aide est principalement destinée à aider les exploitants à acheter des semences certifiées pour préparer la récolte 2017. Tout en reconnaissant que 2016 aura été une année particulièrement difficile pour les exploitants cette décision pose deux questions.

Une aide qui conforte un modèle d’agriculture intensive.

La première est liée au fait de conditionner cette aide uniquement à l’achat de semences certifiées (principalement produites par les grandes entreprises semencières). La raison évoquée serait la meilleure qualité des semences certifiées par rapport aux semences fermières (non soumises à un droit de propriété industrielle et récoltées par l’exploitant à partir de semences industrielles). Pourtant 50 % des semences de blé en France sont issues de la propre récolte des exploitants, et rien n’indique que ces semences fermières auraient un moins bon rendement que les semences industrielles (dans les 3-4 années qui suivent l’utilisation de semences sélectionnées). Cette décision renvoie également aux limites de la loi « biodiversité » votée fin juillet 2016. Autant elle reconnait l’existence des semences non inscrites au catalogue officiel et le droit de les échanger ou de les vendre, autant elle limite ce droit de vente aux seules associations à but non lucratif. Pourtant dans de nombreuses régions de France, de très bonnes graines de semence de ferme ont été récoltées en 2016 et pourraient donc être disponibles pour aider les exploitants franciliens. Les limitations imposées par la loi et les orientations voulues par la région Île de France confortent de fait un modèle d’agriculture intensive (principal responsable de l’érosion de la biodiversité) basé sur le contrôle du patrimoine génétique végétal par quelques grandes firmes multinationales.

Argent public : entre intérêt général et lobby agroalimentaire ?

La deuxième question est liée à la motivation exprimée par la région de maintenir la compétitivité de la filière céréalière  face à la concurrence internationale. La filière qui emploie plus de 31.000 personnes, est orientée principalement vers l’exportation et occupe les 2/3 du territoire agricole (le maraîchage en occupe 0,5 %). Pourtant, les engagements pris lors de la COP 21 et les récents débats politiques (cf. Grenelles de l’Environnement, loi sur la biodiversité, plan « agroécologie » du ministre de l’Agriculture, etc.) ont tous souligné la nécessité de réduire le bilan carbone de notre assiette et de revoir le modèle de notre système de production alimentaire. Ainsi, développer une agriculture de proximité peu émettrice de CO2 tout en renforçant l’autonomie alimentaire de la région Île-de-France (dépendante de l’extérieur) est un enjeu d’avenir, bénéfique pour l’ensemble du territoire.

La région précisera définitivement les modalités de cette aide le 22 septembre. Pourtant cette décision illustre bien la difficulté de la puissance publique à prendre du recul par rapport aux lobbyings des grandes firmes internationales et à prendre la mesure de la nécessité de s’engager dès maintenant dans une transition écologique pour préparer l’avenir.

ENSEMBLE, accélérons la transition écologique et solidaire