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Conférence #2 Jeunes et Climat : Quelle écologie pour les premiers concernés ?

Après une première conférence qui abordait le mouvement des jeunes engagés pour le climat, cette « génération climat », nous vous donnions rendez-vous le 8 juin dernier au SAS, un espace piloté par l’association Ghett’Up en plein centre de Saint-Denis.

Avec cette deuxième conférence, nous avons souhaité répondre à la question : quelle écologie pour les premiers concernés ? Cette expression fait référence au décalage qui existe entre les jeunes les plus exposés au changement climatique, et ceux qui composent par exemple la majorité des grévistes pour le climat, le mouvement lancé par Greta Thunberg. En effet, selon une étude du collectif « Quantité critique », en France le portrait robot de la militante écologique est une femme issue d’un milieu social privilégié qui se déclare à gauche. Un portrait robot bien différent des jeunes issus de milieux populaires qui sont à la fois ceux qui contribuent le moins au changement climatique et aussi les plus tributaires de celui-ci.

La table ronde a été animée par Irène Colonna d’Istria, chargée de développement des programmes et partenariats chez makesense et réunissait  Inès Seddiki (Fondatrice de Ghett’up), Achraf Menar (Fondateur de Destins Liés) et Sanaa Saitouli (Fondatrice de Banlieues Climat) pour une discussion passionnante.

« Jeune de quartier populaire, ça n’existe pas »

C’est tout d’abord l’expression même de « jeunes de quartiers populaires » que viennent questionner, à tour de rôle, les intervenants et intervenantes. Inès par exemple souligne la diversité des habitants et des expériences dans les quartiers populaires. Bien qu’il y ait des difficultés communes, il existe également une variété de perspectives politiques, de classes sociales et de réalités environnementales. C’est ce que soutient également Achraf en partageant son histoire personnelle et soulignant les problèmes communs existant chez les jeunes. Il souligne également le besoin d’inclure les habitants des quartiers populaires dans les débats et les actions liées au dérèglement climatique, car ils en subissent déjà les conséquences. Sanaa elle souligne que le terme « jeunes des quartiers populaires » est souvent utilisé de manière stigmatisante. Cependant, elle choisit, plutôt que de l’évincer, de l’assumer, en le mettant en avant l’espoir et l’engagement qui se cachent derrière. Ainsi, si cette notion ne semble pas avoir d’existence factuelle, elle n’en est pas moins intéressante, et particulièrement en termes de visibilité et de ce qu’on met derrière ce terme, comme le dit très bien Achraf « il faut savoir d’où on parle ».

Ecologie des premiers concernés ?

Sanaa exprime son rejet du terme « écolo » en raison des stéréotypes associés à ce qu’elle décrit comme le cliché de « l’écolo blanc non racisé qui promeut un mode de vie bio et vegan ». Elle souligne que si l’écologie populaire n’a pas de définition précise, en revanche de manière très concrète les habitants des quartiers sont engagés depuis longtemps au travers de nombreuses actions éco-citoyennes. L’écueil à éviter à tout prix pour elle cependant est l’idée, d’écolo des quartiers » car cela exclut et réduit les enjeux. Ines elle illustre cette idée par la réalité historique et sociale derrière les pratiques écologiques présentes dans les quartiers populaires, telles que la réutilisation des objets ou la sobriété, qui sont des habitudes très ancrées culturellement. Achraf souligne que la signification du terme « écologie » a été restreinte à certains sujets, mais pour lui, l’écologie englobe la lutte contre les dominations. Il rappelle que la crise écologique doit être considéré comme une crise des dominations générée par le système capitaliste qui exploite les personnes et la nature. Ainsi, tout combat visant à lutter contre les dominations est pour lui un combat écologique. Par exemple, lutter contre la faim des étudiants ou les problèmes de logement étudiant mal isolés et insalubres, est également une lutte écologique, car elle concerne la dignité des personnes. En clair, tous et toutes appellent à un élargissement des définitions mises derrière ce terme, afin qu’il soit en mesure de rendre compte de la diversité des pratiques et des enjeux qu’il recouvre.

Une solidarité cruciale

Dans les quartiers populaires, ainsi que dans d’autres contextes défavorisés tels que les milieux ruraux ou périurbains, les enjeux écologiques sont déjà vécus de manière directe et consciente par les résidents habitants. La question de l’avenir et des perspectives de ces engagements ne réside donc pas tant dans l’expertise, mais plutôt dans le pouvoir d’agir. L’accès aux ressources, qu’elles soient financières, médiatiques ou organisationnelles est inégal. Il apparait donc crucial de combattre ces obstacles et d’investir le débat public pour permettre à tous d’avoir une voix et un pouvoir d’action égalitaire, toujours en ne décorrélant pas enjeux sociaux des enjeux écologiques. L’importance du collectif dans le futur de ces mouvements jeunes et populaires autour des questions écologiques est soulignée aussi par tous les trois intervenants et intervenantes. Ines par exemple met en avant l’importance du collectif, la valorisation des actions des associations et la redistribution du leadership. Elle souligne les inégalités dues à la précarité des ressources et exprime le souhait de donner de la visibilité aux acteurs de terrain. Elle voit dans l’urgence écologique une opportunité de collaboration, de soutien aux associations locales et d’émergence de nouvelles figures. Pour tous également il est crucial que les acteurs les mieux implantés soient solidaires des moins visibles afin de partager leurs moyens et converger pour donner plus de poids à l’engagement de tous et toutes. Sanaa évoque le reve rêve d’une congrégation de mouvements locaux, qui se réunissent en réseaux, partout en France mais aussi en Europe, pour partager leurs enjeux et problématiques, et pourquoi pas une première marche pour le climat des quartiers populaires ?

ENSEMBLE, accélérons la transition écologique et solidaire