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Réconcilier agriculture et société : un dialogue vital

3 questions à Philippe Mayol, Directeur général de la Fondation Terre Solidaire

Philippe Mayol, directeur de la Fondation Terre Solidaire

A l’aube du Salon International de l’Agriculture, le monde agricole français se trouve-t-il face à une équation impossible à résoudre ?

    Non, mais le défi est immense. Les agriculteurs français sont tiraillés entre des défis et attentes parfois contradictoires : comment produire des aliments de qualité accessibles à tous et de proximité, tout en respectant l'environnement et en vivant dignement de son métier ? L’équation peut paraître insoluble et il y a un véritable décalage entre le discours syndical, les postures politiques et ce qu’il se passe sur le terrain.

    Malgré cette complexité, les agriculteurs disposent d’une capacité à s’adapter et à développer des alternatives à même de répondre à ces défis. L’agriculture paysanne cherche à limiter sa dépendance au système agro-industriel pour gagner en autonomie financière et décisionnelle. Cela passe par la réduction des achats d’intrants, une charge lourde pour les exploitants, et par l’adoption de techniques agroécologiques aux bénéfices économiques prouvés. L’usage de semences paysannes, la réintroduction de variétés rustiques et la promotion de la biodiversité permettent de mieux résister aux maladies et aux aléas climatiques. Ces solutions, scientifiquement validées, sont essentielles pour la sécurité alimentaire. Cependant, leur développement nécessite un réel soutien et un dialogue ouvert, afin que les agriculteurs ne se sentent ni isolés ni stigmatisés.

    Comment renouer un dialogue qui semble difficile depuis plusieurs années

      Il faut repartir du terrain et remettre la confiance au cœur des échanges. Les fractures sont certes profondes, mais des initiatives existent pour recréer du lien entre agriculteurs et société, notamment au niveau local. Il faut également avoir une vision systémique de l’équation tout en étant pragmatique et concret et surtout sortir de tout dogmatisme.

      La question du modèle économique actuel, qui repose pour partie sur une dépendance aux grands groupes industriels, doit être au cœur de ces échanges. Pris dans un engrenage de prix de vente bas et de charges élevées, de nombreux agriculteurs se retrouvent piégés dans une logique où leur marge de manœuvre financière est réduite. Cette pression constante, combinée à une exigence sociétale qui s’accroît, entraîne une détresse humaine et psychologique grandissante. L’isolement, l’épuisement et la perte de sens d’un métier qui est souvent une vocation, aggravent cette situation. Il convient donc de placer tous les acteurs autour d’une table afin de repenser un modèle rééquilibrant les rapports de force et basé autour de l’autonomie économique, de la durabilité et de la résilience.

      Existe-t-il des bonnes pratiques desquelles s’inspirer ?

        La question de la souffrance humaine psychologique dans le monde agricole me paraît révélatrice. Au-delà du sentiment d’isolement, ce sont aussi parfois des questions de difficultés économiques graves et d’une perte profonde d’un métier, d’une vocation même. Et pour y répondre, des initiatives existent, notamment au niveau local, permettant d’opérer des changements de modèles.

        Depuis plusieurs années, la Fondation Terre Solidaire soutient des organisations comme Solidarités Paysans, qui intervient auprès d’agriculteurs en détresse et du réseau CIVAM, qui promeut une agriculture durable et résiliente sur la base de techniques agroécologiques. Leur mise en relation il y a 7 ans dans l’Ille-et-Villaine a initié un programme de mise en commun de leurs expertises, pour aider des agriculteurs fragilisés, comprendre leurs difficultés et opérer des transitions qui soient plus justes, durables et favorisant leur autonomie. Un modèle qui se duplique désormais à 6 autres départements en France (Auvergne, Basse-Normandie, Morbihan, Maine-et-Loire, Loire-Atlantique et Sarthe), mais qui doivent être généralisés pour avoir un véritable impact. Les pouvoirs publics jouent ainsi un rôle majeur en garantissant un cadre équitable, qui écoute toutes les voix et accompagne les transitions nécessaires sans précipitation ni dogmatisme.

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