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L’écoféminisme ou la convergence des luttes

Article rédigé pour la Fondation Terre Solidaire par Marie Huré

Cet article met en avant l’écoféminisme comme une convergence des luttes féministes et écologiques, soulignant l’importance d’une justice sociale pour une justice écologique. Il explore les racines historiques du mouvement écoféministe et son évolution en réponse aux problématiques sociétales contemporaines. L’écoféminisme vise à rééquilibrer les relations entre les genres et la nature, promouvant un monde sans inégalités ni discriminations. En intégrant les femmes aux processus décisionnels, il propose des solutions pour une gestion plus juste des ressources et un modèle de société durable et équitable.

Pas de justice écologique sans justice sociale, voilà un argument clamé haut et fort à juste titre par les défenseurs de la Nature, faisant écho aux études scientifiques soulignant que le changement climatique ne fera qu’aggraver les inégalités sociales. En effet, les minorités subissent en premier les conséquences du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité. D’après Médiaterre, le nombre de décès chez les femmes est 14 fois plus élevé que chez les hommes en cas de catastrophe climatique. La convergence des luttes permet alors de décupler les ressources et l’impact des actions, mais aussi de donner à l’ensemble des populations les moyens de prévenir le changement climatique et d’en appréhender les impacts, déjà visibles à de multiples endroits du globe.

écoféminisme

L’écoféminisme est simplement l’union entre les luttes féministes et les luttes écologiques. Il est considéré que les violences subies par les femmes sont à l’image de celles subies par la Nature, dans un fort contexte inégalitaire. Le but commun est de parvenir à rééquilibrer et redéfinir les relations entre les genres d’un côté et l’Humain et la Nature de l’autre. L’idéal partagé est celui d’un monde sans inégalités ni discriminations, où tout le monde pourra évoluer dans un environnement sain fournissant de la nourriture et de l’eau en quantité suffisante, favorable à la prospérité de la faune et de la flore. Car d’une manière générale, une relation de dominé/ dominant ne peut conduire qu’à l’exploitation des ressources ou des capacités et à l’accaparement, qui ne sont rien de plus que la traduction du système patriarcal.

L’analogie entre les luttes sociales et écologiques peut donc être facilement fait, non pas qu’il suffise d’être écologique et féministe pour se revendiquer écoféministe, mais plutôt parce que le socle commun aux deux causes crée une vision partagée des solutions. Alors en quoi ces deux causes peuvent-elles progresser conjointement et tendre vers une société plus juste à la fois pour les minorités et l’environnement ? Est-ce qu’une révolution féministe serait bienfaisante pour l’écologie ?

L’écoféminisme, un lien historique

La source du mouvement écoféministe

La première introduction du terme « ecoféminisme » en 1972 est attribuée à la romancière, philosophe et militante Françoise d’Eaubonne, puis le mouvement de l’écoféminisme se développe dans les années 1980, où le rapport entre les deux luttes est clairement établi, à l’image de la conférence “l’écoféminisme et la vie sur terre” en 1980 aux Etats-Unis. Mais le lien trouve sa source quelques années auparavant, lorsque plusieurs scientifiques et personnalités ont pris la parole sur les conséquences du changement climatique qui impacte d’une manière totalement inégalitaire les femmes, comme déjà évoqué en introduction. Peu à peu le terme de “charge environnementale” fait son apparition, faisant écho à la fameuse charge mentale subit par un grand nombre de femmes. Cette notion reprend l’idée qu’étant donné qu’une majorité de femmes endossent les responsabilités incombant à un foyer, comme les achats, la cuisine, le ménage… elles endossent dans un même temps la responsabilité de faire le bon choix, qui serait celui qui préserverait au mieux notre environnement. Elles doivent par exemple faire le choix entre circuit court ou non, régime flexitarien ou non, achat en vrac, neuf, biologique…

Un mouvement, reflet des problématiques sociétales

Même si le postulat principal du mouvement de l’écoféminisme repose sur le parallèle entre l’oppression subie par les deux sujets, les formes sont multiples et ont pu évoluer au fil des époques. Le combat pour les droits des femmes prend de l’ampleur, le chemin étant long et semé d’embûches pour parvenir à l’équité, et l’écologie est de plus en plus présente dans les discours, à l’heure de l’ère industrielle et à l’aube de notre société consumériste actuelle. Les inégalités persistent de toutes parts, mais les revendications évoluent pour s’adapter au contexte politique, économique et social, reflétant inéluctablement les problématiques des époques. Les luttes communes n’ont fait que renforcer leur complémentarité, soulignant le fait que l’aspect social porté par les revendications des féministes ne pouvait être qu’un tremplin pour la justice climatique. C’est en privilégiant les actions en faveur de l’Humain et de l’équité, avec des ressources réparties justement, que la Nature est épargnée.

Le partage des valeurs comme catalyseur

Le socle commun se trouve inévitablement dans la remise en question de la société consumériste et patriarcale, telle que nous la connaissons aujourd’hui et qui s’est développée au cours des dernières décennies. A la manière des hommes au travers des siècles, la Nature est transformée pour pouvoir en tirer profit et continuer de bâtir un monde où les ressources autant humaines, que matérielles et naturelles, ne sont utilisées que pour produire plus. La sensibilité aux questions écologiques devient de plus en plus centrale lorsque nous évoquons les luttes de genre, et réciproquement. D’après Christine Bard, historienne et féministe, nous assistons à “un renouvellement au sein du mouvement écologiste chez une nouvelle génération de militants qui porte des formes différentes de féminisme”. La source de motivation étant commune, il est plus aisé de comprendre pourquoi les luttes convergent. Les bénéfices ne sont alors envisagés que partagés.

L’écoféminisme, la solution vers un monde juste et sain

Des expressions multiples

Il est nécessaire de rappeler que dans un monde où les inégalités persistent, les minorités seront et sont déjà les premières victimes de la crise climatique. D’après Oxfam, les femmes représentent 60% de la population vivant sous le seuil de la pauvreté. Elles sont donc amenées à être impactées de manière disproportionnée. D’autant plus que récemment, ces sujets gagnent la sphère politique, étant repris tour à tour par les différents partis politiques pour porter sur le devant de la scène les luttes majeures de notre siècle et tenter de séduire un électorat . Étant par nature très pluriel, le mouvement ne fait pas toujours l’unanimité mais n’empêche pas l’expression des revendications autant en manifestation qu’en meeting politique partout dans le monde. Nous pouvons ainsi passer d’un slogan cinglant dans une manifestation au Royaume-Uni comme « Destroy the Patriarchy, not the Planet” aux propos de personnalités politiques comme Sandrine Rousseau, députée Europe Ecologie Les Verts, déclarant « Il faut aussi changer de mentalité pour que manger une entrecôte cuite sur un barbecue ne soit plus un symbole de virilité ». Fort heureusement, même si le sujet divise, il est rassurant de voir que le grand public tout comme les politiques s’approprient le sujet et tentent de le comprendre. Ce n’est que de cette manière que le sujet trouvera sa place dans les débats, et séduira ses partisans. Nous ne pouvons défendre que ce que nous aimons, et nous ne pouvons aimer que ce que nous comprenons.

Un rapport à la Terre différent

Depuis le début de toute forme de civilisation, les écrits, traditions et mythes traduisent le rapport différent que les femmes entretiennent avec la Nature qui les entoure. A travers les âges, la femme a toujours été associée à la Nature, à l’image de Gaïa, la Déesse Mère à l’origine de toute vie sur Terre. D’une manière générale, nous attribuons aux femmes une forte capacité d’empathie, envers son prochain, sa famille… et la Nature ! La présence des femmes dans les métiers de la santé et du sociale est révélatrice de ces qualités inhérentes au genre, même s’il est important de ne faire aucun amalgame. Ce phénomène est malheureusement renforcé par les stéréotypes de genre, qui enferment toujours un peu plus les femmes dans leurs rôles préconçus par une société qu’elles n’ont pas choisie. Cependant, les exemples d’émancipation et d’initiatives ne manquent pas d’inspirer et de donner du courage. Les plus beaux modèles de la lutte des écoféministes permettent de faire un tour du monde haut en couleurs, exprimant à chaque fois un lien très fort avec la Terre et une volonté incroyable de bousculer voire renverser la société patriarcale et capitaliste. Le “Green belt movement”, fondée par la Kényane Wangari Maathai, est un exemple admirable de lutte contre à la fois l’exploitation de la Nature et l’oppression des femmes. Littéralement “ceinture verte”, le concept est clair : lutter contre la déforestation en plantant des arbres et rétablir un habitat viable pour la population locale, notamment les femmes.

Des solutions communes

Victimes de la domination de l’homme, les différentes prises de positions de part et d’autre des luttes écologiques et sociales, convergent vers un seul et même combat, riche de par sa pluralité et sa complémentarité. Rendre justice aux femmes, c’est rendre justice à la vie sur Terre dans sa globalité. Françoise d’Eaubonne, dans son ouvrage “Le féminisme ou la mort”, va jusqu’à dire que “Le moment est venu de démontrer qu’avec le féminisme, c’est l’humanité entière qui va muer”. La société actuelle ne rend justice ni à la Nature ni aux femmes, en continuant ainsi, nous assisterons à un effondrement de la biodiversité et à une mortalité croissante face aux catastrophes naturelles. Un changement radical est effectivement nécessaire, porté par des solutions variées agissant à plusieurs niveaux. Les différents mouvements de l’écoféminisme se traduisent tantôt par une valorisation de la proximité entre les femmes et la Nature, tantôt par la remise en question et la déconstruction des schémas actuels. D’après une étude de 2019 intitulée « Genre et changement climatique : les femmes parlementaires font-elles la différence ? » , intégrer plus de femmes aux processus décisionnels permettrait de progresser à plusieurs niveaux. Outre le juste rétablissement de l’équité, cela permettrait d’accroître de manière significative les politiques en faveur de l’environnement, une gestion plus juste des ressources et de basculer vers un modèle plus centré sur le collectif, le bien-être, au détriment du profit économique. Solutionner l’inégalité des sexes reviendrait à mettre une fin à la domination de l’homme sur son environnement également, afin de construire ensemble un monde durable et socialement équitable.

Il apparaît clairement qu’une partie de la solution serait donc détenue par les femmes elles-mêmes. D’une certaine manière, l’écoféminisme est un courant, une manière de lutter contre les inégalités et la surexploitation des ressources. Au même titre que les femmes, la Nature doit reprendre ses droits. Le sujet est vaste et complexe, à la croisée de plusieurs disciplines ne pouvant se résumer en quelques pages. Cependant certaines personnalités d’actualités ont des points de vue très inspirants, dont les ouvrages sont accessibles et que vous pouvez suivre sur les réseaux sociaux. Parmi celles-ci nous pouvons citer Fatima Ouassak, militante écologiste et féministe ou encore Marine Calmet, juriste en droit de l’environnement et militante écologiste. Pour ceux que le sujet intéresse, nous ne pouvons que recommander les ouvrages de Françoise d’Eaubonne, qui permettent de bien comprendre les tenants et aboutissants du mouvement. Bien sûr, il est nécessaire de souligner que de merveilleuses personnes, de tous sexes et de tous horizons, se battent avec fierté pour garder une Terre habitable pour tous et où les inégalités n’auront plus leur place.

ENSEMBLE, accélérons la transition écologique et solidaire