La Seine-Saint-Denis, département le plus jeune de France métropolitaine, mais aussi le plus pauvre, subit de plein fouet les conséquences du changement climatique, avec une bétonisation à outrance au détriment d’espaces verts, des bâtis mal isolés et plus d’1,6 millions d’habitants directement exposés à la pollution automobile, symbolisée par des échangeurs routiers massifs à l’instar de celui de Bagnolet. Dès lors, l’association Halage, incarnée par Théo Dassonville, chargé de projet, se mobilise pour accompagner les demandeurs vers l’emploi, et en particulier les jeunes, en les sensibilisant autour de la transition écologique et sociale.
Quel est le projet d’Halage ?
Halage est une structure d’insertion par l’activité économique, qui existe depuis 1995, basée en Seine-Saint-Denis et particulièrement à L’Île-Saint-Denis. Nous avons deux objectifs principaux :
D’abord améliorer le cadre de vie, en réduisant les déchets. Mais aussi essayer de rapprocher les personnes éloignées de l’emploi.
L’association a grandi à travers des chantiers d’insertion sur le jardinage qui répondaient à ces deux problématiques. Aujourd’hui, il en existe une dizaine de ce type répartis sur quatre départements en Île-de-France. Depuis 2018, nous développons d’autres projets, notamment la collecte de déchets, leur revalorisation en compost, ou encore « Fleurs d’Halage » autour des friches et des projets d’expérimentation sur des sols pollués.
En parallèle de ces chantiers d’insertion, l’association Halage a ouvert un centre de formation. Nous formons à la fois nos salariés en interne, mais nous proposons aussi des formations en externe.
Nous proposons aussi des formations gratuites à des publics isolés ou précaires. Ce sont des formations dites de « préqualification »
de deux à quatre semaines sur l’agriculture urbaine. Nous amenons ces personnes à comprendre les enjeux, maîtriser les gestes, comprendre le secteur et ses branches comme le recyclage, l’écoconstruction, la menuiserie… Ils découvrent le métier avec les professionnels, sur le terrain. Nous échangeons avec eux.
À l’issue des ces formations de préqualification, elles peuvent soit intégrer une autre formation et être diplômées, ou alors décrocher des contrats. Nous proposons ces formations à tous les demandeurs d’emplois du 93.
Vous vous êtes associé au réseau ÊTRE pour vous adresser aux jeunes
Nous nous sommes rendu compte que les plus jeunes, entre 16 et 25 ans, étaient particulièrement confrontés aux problèmes de pauvreté et de chômage. Alors nous avons voulu mettre en place des formations spécifiques pour les jeunes. Nous sommes entrés en contact avec le réseau Être, qui souhaite installer une école des métiers de la transition dans tous les départements de France. Nous avons décidé d’implanter leur modèle en Seine-Saint-Denis. Cela nous a permis d’assoir le centre de formation d’Halage comme un centre précurseur en matière de transition, d’accompagnement des transitions, de l’emploi et du public.
La Seine-Saint-Denis est confrontée à des obstacles comme la pollution ou la précarité…
Je ne parlerai pas d’obstacles mais plutôt de révélateurs de ce qui a besoin d’être fait. La Seine-Saint-Denis est un territoire avec beaucoup d’échangeurs routiers, une très forte urbanisation. Il y a une très forte bétonisation et très peu d’espaces verts ce qui ne permet pas d’avoir des températures un peu plus soutenables pendant des vagues de chaleur. C’est aussi un département très densément peuplé, avec des écoles et des squares à proximité de ces échangeurs routiers. On rencontre forcément des problèmes de pollution. Une grande partie des logements de Seine-Saint-Denis sont insalubres, ont besoin d’être rénovés ou sont mal isolés. C’est aussi là que l’écoconstruction peut intervenir en rénovant, mais de façon plus soutenable.
En miroir aux injustices climatiques que subit le territoire, il y a aussi des injustices sociales (en mai 2024, enseignants, parents et élus réclamaient un plan d’urgence de 358 millions d’euros pour garantir l’égalité des chances : 5 000 enseignants qui manquent à l’appel, un bâti délabré…). Les conditions d’apprentissage se détériorent, débouchant sur des décrochages scolaires. On essaye de mettre en adéquation l’isolement de la jeunesse et leur chômage autour de la transition. Ce sont des emplois très révélateurs en termes de compétences et de valeurs et qui permettent de découvrir ce que l’on veut faire.
Que deviennent ces jeunes une fois formés ?
Sur l’année 2024, nous avons formé 20 personnes. Nous avons pu en recruter certaines en interne. Trois sur notre chantier en horticulture. Une autre, qui souhaite être jardinier, a été recrutée sur notre chantier d’espaces verts. D’autres jeunes que l’on a formés ont été recrutés dans des collectivités ou des associations.
Propos recueillis par Aurélien DUFOUR