Article rédigé pour la Fondation Terre Solidaire par Enzo E Silva
En France, comme dans de nombreux pays, la question de l’énergie est peu présente dans les débats du quotidien. Beaucoup moins présente que la question de l’alimentaire par exemple, cependant ces interrogations énergétiques ne sont pas moins importantes. Le système énergétique français a bien évidemment sa part de responsabilité dans cette absence de questionnement. Pour une majorité de la population, le sujet de l’énergie est dans les mains de l’Etat. Cependant, les français s’intéressent et s’impliquent de plus en plus dans l’énergie, notamment via des projets citoyens.
Qu’est-ce que la réappropriation citoyenne de l’énergie ?
L’idée d’une gestion citoyenne et collective de l’énergie ne date pas d’aujourd’hui. Dans de nombreuses sociétés traditionnelles, les communautés se partageaient déjà les ressources et la gestion de ces dernières. Mais le XXe siècle a accéléré la chose, avec l’émergence de coopératives énergétiques permettant aux citoyens de s’associer pour développer et gérer des installations d’énergies propres et abordables tout en renforçant la participation démocratique et la responsabilité sociale de chacun. En 1978, la première éolienne citoyenne du monde est mise en service à Tvindkraft, au Danemark.
Au cours des dernières décennies, la prise de conscience des enjeux environnementaux a de nouveau propulsé ces initiatives. Les citoyens jouent un rôle de plus en plus important dans des projets d’énergie solaire, éolien ou encore hydroélectrique, souvent en partenariat avec les collectivités locales ou autres acteurs locaux. L’envie du citoyen de réduire sa dépendance aux grands fournisseurs d’électricité a également accru ce changement des mentalités. Mais qu’est-ce qu’un projet d’énergie citoyen ?
On dit qu’un projet d’énergie est « citoyen » quand celui-ci ouvre majoritairement son capital au financement collectif et sa gestion aux acteurs locaux. Les principales caractéristiques de ce type de projets sont la gouvernance partagée, l’intérêt du territoire, l’investissement public et citoyen, ainsi que la dynamique locale. Les retombées économiques locales renforcent notamment l’activité et l’emploi dans les territoires concernés par les projets d’énergie citoyens. Cette coopération produit également des externalités positives pour les agriculteurs, les acteurs de la mobilité urbaine, ou encore pour la compréhension des enjeux énergétique.
Aujourd’hui, les initiatives énergétiques citoyennes ont encore du mal à se développer en France, par rapport à celles du voisin allemand par exemple. La situation réglementaire et financière est en grande partie la raison de ce retard. Les démarches juridiques et techniques complexes freinent souvent les nouveaux porteurs de projets.
Les enjeux environnementaux
L’appropriation citoyenne et locale de ces projets est un facteur essentiel pour la réussite de la transition énergétique. En effet, les citoyens sont les premiers concernés par le dérèglement climatique, il est donc essentiel que ce soit ces derniers qui participent au développement des solutions d’adaptabilité pour leurs territoires. Par exemple, l’association Les Centrales Villageoises, soutenue par la Fondation Terre Solidaire, permet à divers collectifs de bénéficier d’un modèle pour parvenir à développer des projets photovoltaïques sur toitures. Pour cela, le réseau des Centrales Villageoises propose un espace d’échange, de partage et de coopération, ainsi que des services mutualisés et partagés.
Actuellement en France, le nombre de projets citoyens d’énergies renouvelables labellisés s’élève à plus de 350, dont plus de 250 projets solaire photovoltaïque. Par ailleurs, 71 de ces projets font partie du réseau Centrales Villageoise évoqué précédemment. En 2024, le réseau a franchi la barre des 10 MégaWatts crête de puissance installée. Les 500 installations photovoltaiques en service permettent d'alimenter l'équivalent de 3 500 foyers. Ces statistiques démontrent plus que jamais que la réappropriation citoyenne de la question de l’énergie est une clef du défi environnemental pour les années à venir. Au-delà de ces chiffres, l’implication citoyenne permet aux communautés de prendre des décisions concernant leur propre approvisionnement énergétique, en tenant compte des préoccupations environnementales et sociales qui les concernent directement. Et d’un point de vue plus technique, la décentralisation de la production de cette énergie permet aussi de réduire les pertes liées au transport de l'électricité et renforce la résilience du réseau de proximité.
L’énergie citoyenne va bien au-delà de la production d’énergie renouvelable. En effet, l’aspect social est obligatoirement à prendre en compte dans la totalité du système que nous évoquons. Les projets citoyens permettent l’élargissement du réseau et le renforcement de la connaissance du territoire. Des nouvelles coopérations entre les différents acteurs locaux se dégagent une expérimentation de nouvelles manières de travailler ensemble, pour le bien du collectif.
L’importance de la réappropriation citoyenne de l'énergie
Dans un contexte marqué par l’urgence climatique, il est absolument nécessaire que la population se réapproprie la question de l’énergie. Les projets d’énergie citoyenne portés par des communautés offrent une réelle réponse aux défis environnementaux et sociaux auxquels nous sommes confrontés. Ces initiatives mettent en lumière l’importance de l’engagement de la population dans la production de sa propre énergie, au-delà de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
La réappropriation citoyenne favorise le développement économique local et la création d’emplois durables. Les citoyens bénéficiant directement des retombées économiques des projets (qu’ils soient bénévoles, actionnaires ou directement porteurs de projets), ces derniers solidifient le lien entre les enjeux environnementaux et les défis sociaux auxquels ils sont confrontés. De plus, l’énergie citoyenne joue un rôle crucial dans la sensibilisation et l’éducation des citoyens impliqués aux enjeux énergétiques. La réappropriation de cette énergie est donc primordiale pour le citoyen, et pour notre transition énergétique.
L’énergie est un sujet bien trop fondamental, notamment en ces temps de crise énergétique mondiale, pour que les citoyens s’en détournent. L’encouragement de l’engagement citoyen au niveau local doit ouvrir la voie à un système énergétique plus juste, plus démocratique et plus respectueux de l’environnement.