Article rédigé pour la Fondation Terre Solidaire par Aurélien Dufour
L’organisation des Jeux olympiques Paris 2024 s’est appuyée sur les entreprises issues de l’économie sociale et solidaire sur divers marchés. L’occasion de montrer que ces organisations sont elles-aussi capables de répondre présentes pour les évènements internationaux, mais également pour Paris 2024 de verdir et soigner son image, malgré la présence de Coca-Cola dans les partenaires mondiaux.
« Organiser des Jeux plus responsables ». C’était l’objectif du Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop) de Paris 2024. De quoi faire sourire, lorsque l’on se rappelle la présence de Coca-Cola parmi les partenaires mondiaux, plus gros pollueur plastique l’année dernière selon l’ONG Break Free from Plastic, et qui pompe la nappe phréatique de San Cristobal au Mexique provoquant une raréfaction de la ressource en eau (Le Monde). En parallèle, Paris 2024 a tout de même multiplié les actions en faveur de la transition écologique et sociale.
Paris 2024 : 95% de sites sportifs déjà existants avant les JO
Pour limiter son empreinte carbone, Paris 2024 a misé sur la stratégie du « moins construire » dès sa candidature pour obtenir l’organisation des Jeux. 95% des sites sportifs préexistaient avant les Jeux. Certains sont fixes comme le Stade de France (athlétisme, rugby à 7), le stade Roland-Garros (boxe, tennis) ou le Vélodrome national de Saint-Quentin-en-Yvelines (vélo sur piste). D’autres sont temporaires, installés à proximité de monuments phares de Paris, comme le beach-volley au pied de la Tour Eiffel, le pentathlon dans les Jardins de Versailles ou le BMX freestyle, le breaking, le skateboard et le basket 3x3 place de la Concorde. Ces sites temporaires respectent des critères d’éco-conception selon l’organisation : végétalisation des espaces, ventilation naturelle, utilisation de matériaux bas carbone ou issu du réemploi…
Seul le centre aquatique olympique (Seine-Saint-Denis) qui accueillera les compétitions de water-polo, de plongeon et de natation artistique a été construit à l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques. L’organisation des jeux en fait un « exemple phare de construction bas carbone » et vante sa toiture photovoltaïque lui permettant de subvenir à 20% de ses besoins en électricité. Surtout, les 2 500 sièges du centre aquatique ont été fabriqués à partir de plastique recyclée par Le Pavé, qui a aussi conçu les 8 000 sièges de l’Arena Porte de la Chapelle. L’entreprise a également obtenu la réalisation de plaques de plastique recyclés pour les 68 podiums des Jeux olympiques et paralympiques.
Laveries solidaires, serviettes et t-shirt réalisés par des personnes en insertion
Pour obtenir ces deux marchés, Le Pavé a pu compter sur la plateforme ESS (Economie sociale et solidaire) 2024. Le comité d’organisation des Jeux et la Solideo (Société de livraison des ouvrages olympiques) se sont associés aux Canaux, la maison des économies sociales et solidaires, et au centre Yunus, un groupe de réflexion sur les questions liées à l’entreprise sociale, pour favoriser l’accès aux entreprises issues de l’économie sociale et solidaire aux marchés liés aux Jeux. « C’est une mission qui a été mandatée par Paris 2024 et la Solideo pour que leurs marchés soient accessibles aux petites et moyennes entreprises, notamment celles plus vertueuses sur le volet social et environnemental », présente Clémentine Wolf, cheffe de projet sur ESS 2024. L’organisme met en relation des entreprises avec les organisateurs des Jeux sur des marchés à leur proposer. Cela peut concerner l’événementiel, la restauration, la communication, la construction, le nettoyage… Plus de 500 entreprises issues de l’ESS ont déjà obtenu un contrat lié aux Jeux olympiques et paralympiques. « Nous espèrons que les nouveaux chiffres seront autour de 550 voire 600 », escompte Clémentine Wolf.
Parmi elles, le groupement laverie solidaire. Pour s’occuper des douze laveries et du linge de l’ensemble des résidents du village olympique, Paris 2024 a souhaité « restreindre l’accès aux entreprises d’insertion et du handicap », relate Clémentine Wolf. Six entreprises de l’insertion et trois du handicap se sont donc regroupés pour décrocher ce marché. « C’est la plus importante prestation de l’ESS à destination directe des athlètes. Les sportifs n’ont pas souvent l’habitude de voir ces profils-là, c’est une grande première », souligne la membre d’ESS 2024.
Toujours dans le textile, les 130 000 serviettes d’entraînement et de compétition des athlètes ont été confectionnées par Résilience, une entreprise qui emploie des personnes en situation de handicap ou d’insertion professionnelle. Une fois les Jeux olympiques et paralympiques passés, les serviettes seront récupérées et distribuées aux Restos du Coeur et au Souffle du Nord. Toujours dans le textile, le t-shirt des 100 000 bénévoles des Jeux ont été cousus à Marseille, dans les ateliers de l’entreprise d’insertion Fil Rouge.
Des tabourets.... en billets de banque déclassés !
Côté alimentation, les banques alimentaires ont collecté les surplus tout au long du passage de la flamme, sur certains sites de compétitions et des fan zones. Le Chaînon manquant récupère également les restes sur les sites de compétition et les redistribuent à d’autres associations locales de solidarité. Les déchets alimentaires du siège de Paris 2024 et de l’Arena La Chapelle seront valorisés en compost ou biogaz par Moulinot et ses salariés en insertion.
Enfin, le mobilier des espaces communs du village olympique et du siège de Paris 2024 a été fourni par Maximum, une firme pionnière dans le mobilier circulaire. Concrètement, les tables sont en échafaudages, les tabourets en billets de banque déclassés et les fauteuils réalisés à partir d’anciennes barrières de sécurité.
La part d’entreprises issues de l’économie sociale et solidaire parmi l’ensemble des prestataires des Jeux n’est pas encore connue. « Nous le saurons en octobre », planifie Clémentine Wolf. « Nous savons toutefois que 90% des prestataires de Paris 2024 sont Français, et parmi ces 90%, on frôle les 80% de TPE (très petites entreprises, moins de dix salariés) et PME (petites et moyennes entreprises, moins de 250 salariés) », détaille la cheffe de projet.
Malgré ces initiatives, certains estiment que les JO et la transition écologique et sociale sont incompatibles. « L’organisation des Jeux, même avec un objectif de sobriété et de durabilité, apparaît en décalage avec le changement fondamental de paradigmes que nous souhaitons pour un monde vivable », juge France Nature Environnement d’Île-de-France dans un communiqué en avril, évoquant l’accélération du changement climatique et la montée en puissance des conflits armées.