Article rédigé par Noah Bergot, étudiant à l’Ecole de journalisme de Cannes
Le concept de « dévendeur », ça vous parle ? Ou peut-être que vous avez tout simplement vu passer cette publicité mettant en scène un commercial conseiller à sa cliente de réparer sa machine plutôt que d’en acheter une nouvelle. Alors, on ne va pas se leurrer, cette publicité ressemble davantage à une utopie qu’à une représentation réaliste de notre quotidien de consommateur. Mais elle interroge tout de même sur nos modes de consommation… et sur l'influence de la publicité dans les choix du consommateur.
L'influence de la publicité : entre greenwashing et désinformation
Prenez l’exemple d’un consommateur qu’on appellera Monsieur X. Ce Monsieur X regarde sa télé et tombe sur une publicité d'une marque d'eau minérale présentant sa nouvelle bouteille végétale. Dans une démarche qui se veut responsable et philanthrope, il se conditionne à acheter cette bouteille, qui a priori semble plus écologique que sa voisine de rayon. Pourtant, X vient de tomber dans le piège tendu par l’entreprise. Avec une charte graphique insistant sur des teintes vertes, dans un décor naturel, en présentant une bouteille végétale (alors que seul 20% l’est réellement), Monsieur X fait face au greenwashing. Un concept utilisé dans le marketing qui consiste à véhiculer une image éco responsable d’une entreprise, alors que cela n’est pas le cas. Alors, ne jetons pas la pierre sur X car il n’est certainement pas le seul à se faire avoir par les publicités soi-disant écologiques. Dans le paysage publicitaire, la désinformation n’est pas nouvelle. Plusieurs grandes entreprises ont été dénoncées pour greenwashing à l’instar de Burger King, Total Energies, Starbucks, Air France, et de nombreuses autres grandes entreprises. Mais ce qu’il faut surtout retenir à travers l’exemple fictionnel de Monsieur X, c’est que la publicité favorise les choix de consommation.
Des garde-fous pour une publicité plus honnête
Face à l’enjeu que conduit la prémisse évoquée lors du paragraphe précédent, des associations se mobilisent pour encadrer la publicité. L’objectif : aiguiller la société civile en établissant une conscience de consommateur. C’est par exemple le cas de l'association Communication et Démocratie qui vise, selon ses propres mots, "à renforcer l’encadrement des activités de communication et des stratégies d’influence menées pour le compte d’intérêts industriels et financiers, et à en redistribuer l’accès aux acteurs de la société civile". A l’image de David contre Goliath, l’entreprise s’adonne au rôle de trouble-fête, en tentant de redonner les clés de compréhension aux consommateurs, tout en dénonçant les désinformations à des fins commerciales des entreprises les plus puissantes.
Les leviers d’une régulation publicitaire au travers du rapport de Communication et démocratie
En identifiant les effets et mécanismes de la publicité, l’association détermine "des politiques de régulation des activités de communication commerciale", et ce, afin de prioriser "celles qui joueront un rôle effectif en faveur d’une consommation juste et responsable". Associée à l’Institut Veblen, Communication et démocratie a réalisé un rapport de cinquante pages pour établir des leviers de régulations de la communication commerciale. Le rapport propose aussi des méthodes d’actions afin de favoriser des contenus publicitaires plus verts. Cela peut passer par des taxations sur les annonceurs "afin de réduire la pression publicitaire sur les consommateurs", selon les mots de Mathilde Dupré, codirectrice de l’Institut Veblen.
Le rapport observe d’ailleurs une contradiction entre le besoin de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre et le modèle de croissance basé sur l’augmentation année après année de la consommation des ménages. Et d’ajouter l’intérêt de la « sobriété », déjà présenté comme une nécessité par le GIEC en avril 2022.
Interdiction de la publicité pour les énergies fossiles, puis ?
La loi Climat et résilience, qui fait suite à une partie des 146 mesures avancées par la Convention citoyenne pour le Climat, a suscité de nombreux débats autour de la régulation publicitaire. En son sein, on y retrouve l’interdiction de la publicité pour les énergies fossiles. Pour Communication et Démocratie, cette mesure est avant tout symbolique, évinçant les recommandations sur l’interdiction de la publicité qui valorise d’autres produits néfastes pour l’environnement.
Prenons par exemple le secteur des transports qui est en tête des dépenses annuelles de communication commerciale. Il s’avère qu’il est en grande partie dominé par la promotion des véhicules automobiles. En 2019, le Sport Utility Vehicule, plus connu sous le sigle SUV, était la figure de proue de cette communication commerciale. Aucune régulation autour de ces publicités n’est adoptée alors même que l’impact environnemental est largement connu.
Le rapport témoigne néanmoins d’une évolution "dans la façon de poser le sujet et dans le niveau d’expertise mobilisée sur la question".
L'influence du consommateur : moins et mieux consommer
Au-delà du rapport évoqué ci-dessus, certains tentent de s’opposer concrètement au manque d’informations des consommateurs. C’est notamment le cas de l'application Clear Fashion, "qui souhaite apporter de la transparence aux consommations sur leurs achats de vêtements". Avec une méthodologie de 150 critères, cela permet aux consommateurs d’avoir une vision exhaustive de ce qui se passe sur la chaîne de production. Selon Laura Gay, intervenante lors de la rencontre Ceux Qui Font Demain (CQFD) pour la planète organisée en 2021 par la Fondation Terre Solidaire, "les consommateurs ne sont pas responsables de ce que font les marques". Au contraire, ce sont les acteurs du changement et de l’amélioration des pratiques des entreprises. "Si vous commencez à exiger des informations, on pousse les entreprises à s’améliorer." explique-t-elle. "On met sur le devant de la scène ce qu'on essaye de nous cacher depuis trop longtemps."
A travers Clear Fashion, c’est un modèle de transparence que est mis en avant. "Car nous n’avons pas envie de choisir entre mode et éco responsabilité. Car une information peut faire toute la différence."
La nécessité d’une refonte de la publicité
On observe un enlisement de la publicité dans des démarches incompatibles avec l’écologie. Des néologismes apparaissent, à l’instar du greenwashing et d’autres principes de promotions alternatifs qui deviennent les refuges de nombreux décideurs et de leurs entreprises. Dans une économie mondialisée, où la communication des grandes firmes s’affranchit de toutes frontières, où les logiques concurrentielles internationales conduisent les acteurs politiques à tendre vers une forme de libre-échange, il semble difficile d’établir un réel contrôle de la publicité. Les échéances définies par les COP arrivent à grand pas et réclament des véritables changements quant à notre manière de consommer. Il devient substantiel de devenir des "consom’acteurs" de cette évolution, pour reprendre les mots de François Pasteau dans le CQFD pour la planète 2023 de Fondation Terre Solidaire. Ainsi, une réelle régulation de la publicité s’avère substantielle.
Jusqu’où notre politique actuelle pourra répondre à ce problème ? En attendant des réponses politiques à échelle nationale et supranationale, des actes citoyens émergent à l’instar du "greentrolling" qui consiste à caricaturer des entreprises faisant preuve d’écoblanchiment (greenwashing). Peut-être que les réflexions d’une croissance verte ou de modèles alternatifs seront à promouvoir pour éviter des contradictions entre les devoirs économiques et écologiques d’un pays. En s’appliquant à influencer la consommation des acteurs, la dichotomie entre les besoins des citoyens et ceux des annonceurs conduit à une forme de dialogue de sourd. Dans un avenir très proche, il faudra trouver une solution pour concilier la publicité et ses fins pécuniaires pour les annonceurs ainsi que la nécessité pour le consommateur d’une information vérace pour des achats plus conscients. Et pourquoi pas imaginer un monde sans publicité ?